Anúncios

Tribune de Agnès Bénassy-Quéré, Seconde Sous-gouverneure de la Banque de France

Rappelez-vous l’année 2020, une année marquée par des événements historiques, à la fois dramatiques et sans précédent, dans le monde entier.

La pandémie de Covid-19 a bouleversé les sociétés, les économies et les vies de millions de personnes.

Anúncios

Nous étions périodiquement confinés, une situation inédite qui a impacté nos habitudes quotidiennes, nos modes de vie et nos relations sociales.

Cette crise sanitaire a entraîné une crise économique mondiale avec des conséquences immédiates sur la production, la consommation et l’emploi.

Anúncios

En France, comme dans de nombreux autres pays, la croissance a chuté de manière spectaculaire, enregistrant une contraction de -7,5% du PIB en 2020.

En parallèle, l’inflation est restée quasi nulle, une conséquence directe de la stagnation économique et de la baisse des prix dans de nombreux secteurs.

Dans ce contexte difficile, les finances publiques françaises ont également souffert.

Le solde budgétaire s’est creusé de manière inquiétante, atteignant un déficit de -9,2% du PIB.

Les dépenses publiques ont été largement augmentées pour soutenir l’économie, avec des mesures de soutien direct aux entreprises et aux ménages, ainsi que des aides pour le secteur de la santé, ce qui a conduit à une hausse substantielle de la dette publique.

Toutefois, même dans cette période de crise, la Banque de France a joué un rôle essentiel en soutenant l’État.

En effet, bien que l’économie fût en récession, la Banque de France a contribué de manière significative à l’équilibre des finances publiques.

Elle a ainsi versé à l’État un impôt sur le bénéfice des sociétés de 1,6 milliard d’euros et un dividende de 1,9 milliard d’euros.

Ces versements ont été possibles grâce à la politique monétaire menée par la Banque de France et à ses capacités à générer des bénéfices, même en période de crise.

Propositions de Restructuration de la Dette Publique

Dans un tel contexte, certaines propositions ont émergé pour répondre aux défis liés à l’énorme endettement public qui s’est creusé.

L’une des propositions qui a suscité un large débat fut celle de l’annulation de la dette publique détenue par la banque centrale.

Cette proposition visait à libérer l’État du fardeau de la dette en effaçant une partie de celle-ci, ce qui permettrait de financer des projets à long terme, notamment pour la transition écologique et les investissements en infrastructures durables.

L’idée sous-jacente était que, puisque la dette détenue par la banque centrale n’a pas de véritable créancier externe, l’annulation de cette dette ne poserait pas de problème pour les finances de l’État.

Cependant, il est important de noter que cette annulation aurait des conséquences bien plus larges et complexes qu’il n’y paraît au premier abord.

En effet, l’annulation de la dette publique détenue par la banque centrale entraînerait des pertes directes pour celle-ci, ce qui affecterait ses réserves et ses capacités futures.

Une telle mesure pourrait diminuer sa capacité à répondre à ses obligations futures, notamment en matière de gestion des crises économiques.

De plus, appauvrir la banque centrale en annulant une partie de ses actifs n’est pas bénéfique à l’actionnaire unique, l’État, car cela pourrait réduire ses marges de manœuvre à long terme, notamment dans le domaine de la politique monétaire et de la gestion de la stabilité financière.

Il est donc crucial de comprendre que la relation entre la banque centrale et l’État est complexe et que la gestion de la dette publique ne peut pas se résumer à une simple annulation des dettes détenues par la banque centrale.

Impact sur les Finances Publiques

Si l’on examine l’impact plus large de la banque centrale sur les finances publiques, il est intéressant de noter que, entre 2015 et 2022, la Banque de France a versé près de 32 milliards d’euros à l’État sous forme de bénéfices, de dividendes et d’impôts.

Ces versements ont constitué un soutien précieux pour les finances publiques, notamment en période de crise.

Cependant, les bénéfices de la banque centrale ont commencé à diminuer à partir de 2019, en grande partie à cause de la baisse de la rémunération des actifs à son actif.

Cela s’explique par les politiques monétaires non conventionnelles mises en place par la Banque centrale européenne (BCE) après la crise financière de 2008, et intensifiées dans le cadre de la pandémie, telles que les taux d’intérêt ultra-bas et les programmes d’achat d’actifs.

Un autre facteur important dans la diminution des bénéfices de la banque centrale a été l’augmentation des taux d’intérêt sur les réserves bancaires.

Ces réserves, qui sont des dépôts détenus par les banques commerciales auprès de la banque centrale, ont vu leur rémunération augmenter, ce qui a eu pour effet de réduire les marges bénéficiaires de la Banque de France.

Cette baisse des bénéfices ne signifie toutefois pas nécessairement que la banque centrale est en difficulté financière.

En effet, les banques centrales sont principalement guidées par des objectifs de politique monétaire et de stabilité économique, et non par la recherche de profits à court terme.

Les bénéfices sont une conséquence de leur activité, mais leur rôle premier est de contribuer à la stabilité économique et financière.

Situation des Banques Centrales dans le Monde

Les pertes enregistrées par la Banque de France ne sont pas un phénomène isolé.

Les banques centrales à travers le monde, y compris la BCE, ont également connu des pertes ces dernières années.

Cela est principalement dû aux changements de politique monétaire qui ont eu lieu dans de nombreux pays à la suite de la crise financière de 2008 et, plus récemment, en réponse à la crise économique générée par la pandémie de Covid-19.

Les politiques de taux d’intérêt bas et de quantitative easing (assouplissement quantitatif), utilisées pour soutenir l’économie, ont en effet réduit les rendements des actifs détenus par les banques centrales.

Ce phénomène a affecté leurs bilans, créant des situations où certaines banques centrales ont dû faire face à des pertes, notamment en raison des achats massifs d’actifs financiers, comme les obligations d’État, dans le but de maintenir la stabilité économique.

Cette situation souligne l’importance de la stabilité macroéconomique par rapport à la recherche de bénéfices immédiats pour les banques centrales.

En effet, les pertes temporaires ne doivent pas être vues comme un signe de mauvaise gestion, mais plutôt comme une conséquence des politiques monétaires menées pour soutenir l’économie dans des périodes difficiles.

La stabilité financière et économique à long terme reste la priorité des banques centrales, et leurs résultats financiers doivent être interprétés dans ce cadre.

Réflexion sur le Rôle des Banques Centrales

L’évolution des résultats comptables des banques centrales doit être examinée dans un contexte plus large.

En effet, les banques centrales ne sont pas des institutions commerciales, mais des entités publiques indépendantes dont le rôle principal est de garantir la stabilité monétaire et financière.

Les fluctuations des bénéfices ou des pertes ne doivent donc pas être interprétées de manière isolée.

Elles sont souvent le reflet de l’orientation de la politique monétaire et de la manière dont celle-ci s’adapte aux réalités économiques.

Les cycles de hausse et de baisse des résultats financiers des banques centrales illustrent bien leur indépendance vis-à-vis des gouvernements et leur capacité à agir dans l’intérêt général, sans être influencées par des considérations politiques à court terme.

Le rôle des banques centrales dans la gestion de la politique monétaire est d’autant plus crucial dans un contexte de faible inflation et de croissance modeste, comme nous l’avons vu au cours de la dernière décennie.

Elles doivent veiller à équilibrer les différents objectifs de stabilité des prix, de soutien à la croissance économique et de préservation de la stabilité financière.

Leur rôle en matière de régulation des marchés financiers et de gestion des crises est également fondamental pour éviter des déstabilisations économiques majeures.

Conclusion

En conclusion, les variations des comptes des banques centrales ne doivent pas être vues comme des problèmes immédiats, mais plutôt comme des éléments faisant partie de leur rôle essentiel dans la stabilité économique et financière.

Les banques centrales, telles que la Banque de France, sont des instruments clés pour maintenir l’ordre économique, et leurs résultats comptables doivent être compris dans un cadre plus large.

Les bénéfices ou les pertes qu’elles enregistrent reflètent les défis économiques auxquels elles sont confrontées et l’impact de leurs politiques monétaires.

Le rôle des banques centrales reste déterminant pour l’avenir économique, et il est essentiel de continuer à les soutenir dans leur mission de garantir une stabilité durable pour nos sociétés.

Author